Rencontre avec Maxime Leplat, un chef qui a du cœur.

Rencontre avec Maxime Leplat, un chef qui a du cœur.

Retours aux sources

Pendant huit ans, il a fait le tour de France, de Colmar au Mont-Saint-Michel en passant par Uzès dans le Gard. Puis il est revenu au pays, en manque d’authenticité mais pas d’inspiration. Rencontre avec Maxime Leplat du restaurant Le plat au pluriel à Béthune (62).

Si les Hauts-de-France avaient un ADN culinaire, ce serait lequel ?

Sans hésiter, l’amertume. On la retrouve dans la chicorée, le houblon et bien sûr l’endive de pleine terre. Ce qui est terrible avec le chicon, c’est que les Français le fuient car ils n’en connaissent qu’une version. Nous, on le centrifuge pour en conserver toutes les valeurs sapides et on le présente sous forme de cromesquis au jambon avec une sauce béchamel au jus d’endive qu’on trempe dans une émulsion au goût d’endive gratinée. Ça déménage.  

Vous défendez les produits populaires. Pourquoi ?

Parce qu’ils sont simples et exceptionnels à la fois. Prenez la volaille de Licques Label rouge, c’est fabuleux. On a ce côté moelleux qu’on arrive à conserver à condition de respecter la cuisson (1). Avec mes équipes, on récupère le gras, on réalise une base de roux avec la chair et on incorpore le tout dans un gratin de pâtes. C’est simple mais tellement bon. On peut aussi cuire les suprêmes (2) sous vide à 57° pendant quatre heures et demie accompagnés d’ail, de thym et de laurier. Avec des Rattes du Touquet, c’est un régal.

Un signe officiel de qualité fige-t-il un produit ?

Généralement, les produits d’excellence se suffisent à eux-mêmes. Mais rien n’interdit de les accommoder si on ne les dénature pas. Pour ma part, j’associe le hareng fumé doux Label rouge J-C David à du céleri et de la chicorée Tête d’anguille. Je fais infuser la bande d’arêtes dans une casserole puis je la fouette avec de la crème. Comme ça, je me sers de tout et renouvelle un produit millénaire.  

Tout se prête-t-il au changement ?

Oui. On peut amener un terroir brut de décoffrage vers un univers sophistiqué. Prenez la quiche au maroilles, un grand classique de notre terroir prétendument intouchable. Si on gratte la croûte avec un couteau et qu’on incorpore cette matière poisseuse et granuleuse à la farine, on obtient le goût du fromage dans la pâte. C’est fascinant.

L’audace n’est pas un vilain défaut ?

Certainement pas ! On peut réaliser un nuage de genièvre sur un café au lieu de le servir en bistouille. Le genièvre, voilà un produit de chez nous captivant. Vous avez déjà testé le rôti du dimanche Rouge flamande associé à une sauce genièvre ? En bouche, ça fonctionne par strates. On sent d’abord la texture de la viande puis son goût. Quand soudain, pan ! le genièvre attaque.

Ça a l’air simple, dit comme ça ?

Et ça l’est. Le terroir des Hauts-de-France est sincère si on ne le dévoie pas. On a des produits miraculeux mais méconnus. Un autre me vient : le Lingot du Nord. Comment rendre sexy cette légumineuse sinon en l’intégrant à un cassoulet ? Ce n’est pas du baratin de cuisinier, vous savez. Ce petit haricot très amidonné a la capacité d’absorber ce qui l’entoure à la manière d’un risotto. Il s’en gorge et en restitue les saveurs fois quatre.

Quel regard portez-vous sur le consommer local ?

Je suis pour à 100 %. Ici,  je travaille avec des producteurs du coin car ça fait fonctionner l’économie de façon circulaire. Je revendique ce côté chauvin et milite pour l’expérience.  J’ai une formule Sensations qui amène les clients en cuisine. Je leur dis : « A gauche un légume Monsanto qui a poussé à l’autre bout du monde, à droite un légume de Jérémy Pestel du Potager des 4 vents d’Annezin, juste à côté. Le premier est énorme, issu d’une graine hybride, le second plus petit mais tellement meilleur. » Et ils goûtent. Le local, c’est le début de la réflexion.

Avant le bio ?

La démarche bio part d’un bon sentiment mais malheureusement, on ne maîtrise pas tout. Je suis un chef mais d’abord un consommateur. Je vais voir les producteurs, mesure leurs problématiques au quotidien. Le terroir c’est du concret. Alors oui, je valorise la noix de Saint-Jacques du Boulonnais, la carotte de Tilques, le welsh. C’est en moi.

Leplat au pluriel,
15, place de la République à Béthune. Tél. : 03 91 80 48 78 – 06 62 78 94 81 www.leplat-restaurant.com  Ouvert midi et soir, du mercredi au samedi. Dimanche sur réservation (groupes).


(1) Deux heures et demie à 120° pour un poulet de 1,4 kg
(2) Filet et morceaux d’aile

Texte : Joffrey Levalleux

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